Il y a cent ans, la statue de Roland Garros, le célèbre aviateur réunionnais, était inaugurée sur les Champs-Elysées, à Paris.
Retour sur la vie d’un héros de la Grande Guerre avec le conférencier Eric Boulogne.

Roland Garros n’était pas tennisman mais aviateur. Beaucoup de jeunes ne savent pas qui était celui qui a donné son nom au stade parisien où chaque année se déroule l’un des tournois de tennis du grand chelem. Et beaucoup ne savent pas qu’il était originaire de notre île.

Dans sa jeunesse, Roland Garros avait adhéré à la section rugby du Stade français en 1906, avec le parrainage de son collègue d’HEC, athlète et joueur de rugby Emile Lesieur. C’est ce dernier qui, en 1927 exigea fermement que l’on donnât le nom de son ami au complexe de tennis qu’il fallait construire pour accueillir les épreuves de la Coupe Davis ramenée en France par les «Mousquetaires».

Depuis ce jour, Roland Garros est donc un stade et un tournoi connu mondialement et l’on y trouve un musée en mémoire de cet aviateur hors normes.

Pour ses records de distance et de vitesse mais aussi pour son courage face à l'ennemi allemand, Roland Garros est décoré de la Légion d'honneur.

Né à La Réunion

Eugène Adrien Roland Garros est né le 6 octobre 1888 à Saint-Denis, d’un père avocat et conseiller général, Georges Garros, et d’une mère aimante, Marie-Emma-Clara Faure. Sa maison natale se situe alors rue de l’Arsenal dans le centre-ville du chef-lieu, devenue rue Roland-Garros. À l’âge de 5 ans, il quitte définitivement La Réunion pour suivre ses parents en Indochine, comme beaucoup de créoles frappés par la crise économique de la fin du XIXe siècle.

Puis le jeune Roland est envoyé seul à Paris à 11 ans au collège Stanislas pour entrer en sixième. Sa scolarité se poursuit au célèbre lycée Janson-de-Sailly puis il entre à HEC Paris. Ayant obtenu son diplôme, il se fait embaucher par la firme Automobiles Grégoire comme commercial. Il devient chef d’entreprise à 21 ans avec sa boutique «Roland Garros automobiles» et vend les voitures Grégoire. Il ne devient pas avocat au grand désespoir de son père, qui lui coupe les vivres.Son coup de foudre avec l’aviation se produit en 1909 : en vacances d’été près de Reims, Roland Garros assiste à la Grande semaine de l’aviation de la Champagne. Il découvre un monde à part et des passionnés qui vont lui faire partager le rêve de voler.

«À cette époque, il n’y avait pas de brevet ou de diplôme de pilotage», relève Eric Boulogne, biographe du héros réunionnais.

Vivre pour voler

Un an plus tard, avec seulement trois heures de vol à son actif, Roland Garros se retrouve à New York pour le meeting du Belmont Park. À force de côtoyer des organisateurs de meetings aériens, le jeune Roland (22 ans) se retrouve à voler aux Etats-Unis, au Mexique et à Cuba.

Son destin incroyable est marqué par une première date : en 1912, il est désormais lié à la maison Morane-Saulnier, qui fabrique des avions de guerre. Roland Garros propose d’accomplir un raid Tunis-Rome du 18 au 23 décembre 1912 en trois étapes : Tunis-Trapani, 320 kilomètres ; Trapani-Santa-Eufemia, 400 kilomètres ; Santa-Eufemia-Rome, 438 kilomètres. Il sera le premier à relier par les airs deux continents, l’Afrique et l’Europe.

Tunis-Rome, son premier exploit

Mais le meilleur reste à venir pour ce passionné des airs, embrasseurs des nuages : le 23 septembre 1913, il tente un exploit jamais réussi à date, franchir la mer Méditerranée. Sur un Morane-Saulnier type G, il décolle de Fréjus à 5h47.

780km plus tard, il touchera le sol tunisien avec une anecdote qui fait froid dans le dos : il ne lui restait plus que cinq litres d’essence quand il posa son avion à sa destination finale, à 13h40. Pour cet exploit, il recevra la Légion d’honneur des mains du président Raymond Poincaré en 1918.

La deuxième partie de la courte vie de Roland-Garros (il a été tué la veille de ses 30 ans) est marquée par sa participation à la Grande guerre, alors qu’enfant de colonie, il n’en avait aucune obligation.

«En 1914, le Réunionnais passe de l’aviation sportive à celle de guerre dans l’escadrille MS26. Il vole sur le prototype équipé pour le tir à mire centrale à travers l’hélice avec une mitrailleuse Hotchkiss», raconte Eric Boulogne. «On peut dire qu’il est le premier pilote de chasse quand il abat un Albatros allemand, le 1er avril 1915».

La statue de Roland Garros qui est arrivée à Saint-Denis en 1926. (Photo LP)

Le dernier vol

Roland Garros sera prisonnier des Allemands pendant près de trois ans.

«Son évasion de février 1918 est rocambolesque : avec Anselme Marchal, déguisés tous deux en officiers allemands, ils s’échappent du camp de Magdebourg. Enfin sortis du camp, ils volent des habits civils et commencent un périple qui les mène en Hollande, puis en Grande-Bretagne, et enfin en France. Ils mettent ainsi fin à 34 mois de captivité», selon Eric Boulogne.

Le 5 octobre 1918, le Spad XIII n°30, parti au combat dans les Ardennes, ne rentre pas. L’avion du pilote émérite Roland Garros s’écrase apès une chute de 3 000 m.

«C’est une mort mystérieuse. Aucun Allemand n’a avoué avoir tué Roland Garros», dit Eric Boulogne. Roland Garros se tue quand son appareil se disloque en plein vol et s’écrase dans les Ardennes.

C’était à un mois de la fin de la guerre. Il n’a absolument pas été abattu, comme on l’entend parfois. Son avion s’est désintégré. La cause reste encore mystérieuse. Les deux mitrailleuses n’avaient pas le même calibre. Ce qui a pu provoquer des vibrations et en être la raison.

La statue de Roland Garros, inaugurée il y a cent ans à Paris, a été déplacée à Saint-Denis, ville natale du célèbre aviateur, un an plus tard. Au Barachois, cette sculpture en bronze représente l’aviateur coiffé d’un béret, une main dans la poche tandis que de l’autre il s’appuie sur une hélice.

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Roland Garros (à gauche) fait la Une de la presse à l'occasion de la réception de la Légion d'honneur en 1918. (Collection Eric Boulogne)

Roland Garros en bref

– 6 octobre 1888 : naissance d’Eugène Adrien Roland Georges Garros à Saint-Denis.

– 19 juillet 1910 : Roland Garros obtient son brevet de pilote sur Demoiselle Clément-Bayard.

– 9 septembre 1910 : Roland Garros réussit la traversée de la Rance entre Dinard et Saint-Malo.

– 4 septembre 1911 : Roland Garros bat le record du monde de hauteur (3950m). Record qu’il battra un an plus tard (4650m).

– 11 décembre 1912 : nouveau record du monde d’altitude (5610m).

– 18-22 décembre 1912 : Première traversée de la mer Méditerranée, d’Afrique en Europe (Tunis-Rome).

– 23 septembre 1913 : Première traversée de la Méditerranée (Saint-Raphaël – Bizerte en Tunisie) soit 760km en 7h53mn sur un monoplan Morane-Saulnier.

– 4 août 1914 : Roland Garros s’engage pour la durée de la guerre (affectation à l’escadrille M.S. 23).

– 18 avril 1915 : Moteur endommagé, Garros atterrit près de Courtrai (Belgique), en territoire occupé par les Allemands. Il est prisonnier.

– De 1915 à 1918 : 34 mois de captivité en camps et forteresses.

– 15 février 1918 : évasion de Roland Garros.

– 5 octobre 1918 : Le pilote français s’écrase avec son Spad : disparition de l’aviateur à Saint-Morel (Ardennes), près de Vouziers où il est enterré.